Claire Dycha 

 

Architecte, engagée dans la culture constructive à travers l’architecture de terre et l’artisanat en terre.

Why do you walk on a straight line ? Installation urbaine, Luxembourg capitale européenne de la culture en 2007. Première œuvre, première installation artistique, qui résonne encore en moi. Passage souterrain gigantesque sous une station de bus, raccourci pour les uns, arrêt ponctuel pour certains, et temps créatif pour d’autres. A certaines heures de la journée, l’espace se transforme et danse. En passant trop vite, la rencontre ne se fera pas. Cette installation questionne l’usager sur sa pratique de l’espace et l’invite à ralentir ou s’arrêter pour observer la richesse artistique de cet endroit délaissé. Cette installation nous questionne sur le chemin que nous parcourons quotidiennement, la ligne que nous cherchons à suivre, pour nous inviter à la rencontre des autres et de nous-même.  

Mon parcours est jalonné d’expériences parallèles, similaires et différentes, enrichissantes à chaque fois, toujours. Architecte, la culture me questionne, l’art m’invite. La technique sans art ni culture ne m’intéresse pas. L’architecture est un moyen de questionner notre habitat, notre rapport à la matière, notre corps par rapport au monde qui nous entoure. Je m’intéresse à l’architecture tout autant qu’à l’environnement. J’ai grandi dans une conscience élevée de l’environnement qui m’entoure, j’ai évolué dans la conscience de mon corps dans cet environnement.

Je m’intéresse dans un premier lieu à cet environnement général, et m’engage en parallèle à plus grande échelle dans l’urbanisme, en France, au Pays- Bas, au Brésil. Curieuse avant tout de découvrir la culture, les autres cultures, je pratique ma profession en voyageant. Je m’engage en tant qu’architecte aux Pays-Bas, dans ce pays en dessous du niveau de la mer, quand le brésil avec ses villes informelles m’interpelle. Je pars à sa découverte. Je pratique une autre manière d’appréhender l’architecture, loin des normes, plus proches des matériaux et des éléments.

Je reviens, je travaille à Paris plusieurs années, sur des projets porteurs de sens, mais où quelque chose fait défaut. Je m’intéresse à la reconstruction dans l’humanitaire, j’ai envie d’aller explorer l’Afrique avec ses cultures constructives locales. Je sais que j’ai autant à donner qu’à apprendre. Les missions humanitaires deviennent des voyages intérieurs. La richesse culturelle du monde est illimitée. 2014, je découvre la terre, ce matériau, cette matière. Je sais dorénavant que j’ai trouvé la matière, l’ingrédient manquant. Kenya, Cote d’Ivoire. Haiti, dernière expatriation, qui m’invite à me poser, je continue de voyager, mais je m’ancre sur le territoire français. Je développe mon expertise en terre.

 

Forte d’un bagage théorique sur la construction en terre, ce n’est qu’au moment de postuler pour le DSA terre, que j’appréhende la matière avec mon corps. « Improviser avec la terre », ce premier workshop en Iran pour construire des voutes et coupoles créera définitivement ma connexion à la matière. Dès lors je n’envisage plus de construire en terre sans avoir une maitrise approfondie de la matière et du matériau.

A chaque croisement, à chaque rencontre, sous le porche d’un hôtel face au lac de Come, dans des covoiturages Genève-Como, Pisa-Milan, Montpelier-Grenoble, en stop, au coin du feu, dans des carrières en bas de chez moi en Normandie, parler de la terre, faire découvrir la terre.

J’ai voulu apprendre, j’ai voulu comprendre, j’ai voulu innocemment tout voir, tout saisir, tout connaitre.
La terre pourquoi ?
La terre, parce qu’elle invite au voyage, au voyage intérieur. C’est la terre mère. Elle est nature, évoque des lieux et des cultures. Elle révèle et encourage des
identités. Pour sa simplicité et sa complexité en même temps. Réutilisable, à l’infini, malléable à volonté, adaptable au climat, le matériau se meut, s’émeut à nos yeux.

Mon approche est celle de la terre. A chaque coin de rue, sur chaque site, on trouve une terre différente, qui nous invite à penser différemment, qui nous invite à improviser et à faire avec ce qu’il y a sous nos pieds. C’est dans cette démarche que j’ai créé mon parcours autour de la terre. Saisir les occasions de toucher la matière, de travailler avec elle, et d’échanger avec ceux qui l’apprivoisent depuis peu ou tant d’années. En parallèle de mon travail avec mes mains pour comprendre ce que la terre avait à me dire, j’ai écouté l’histoire de celles et ceux qui ont fait cette rencontre aussi.

Dans un premier temps, je me suis donnée comme objectif d’explorer les différentes techniques de construction, de toucher une multitude de terres, en me laissant porter par les opportunités croisées sur mon chemin. Je souhaitais découvrir les champs d’actions liés à la matière en elle-même : cumuler les expériences directes avec la matière, par la formulation et la mise en œuvre du matériau sur le chantier, dans différentes régions de France et d’ailleurs.

Avec la découverte de la matière, c’est la découverte des acteurs qui s’est ouverte à moi. Sur plusieurs mois, j’ai interrogé des professionnel.le.s. Je découvrais les opportunités à créer, à travers les échanges avec les acteurs de la filière, exerçant différentes professions, à différentes étapes de leur parcours de vie, des hommes et des femmes, qui ont toutes et tous un lien en commun : la terre matière et matériau. J’ai dressé un cadre pour les entretiens. Très vite, j’ai compris que ceux qui travaillaient la terre, étaient comme la terre elle-même, uniques. Même si un cadre était là, les questions allaient différer aussi. Certaines questions sont restées identiques, d’autres ont évoluées en fonction des discussions abordées, des expériences parallèles du terrain, et des entretiens déjà réalisés.

J’ai rencontré des gens passionnés, portés par la vie, d’où émane une énergie, peu importe leur âge, leur genre, et les difficultés qu’ils et elles rencontraient. Suite à la réalisation d’une partie de notre exposition autour des femmes bâtisseuses, j'ai co-fondée l’association Terre de Bâtisseuses pour continuer dans cette direction.
En 2022, Investi dans la filière terre, j’ai co-organisé les 8èmes assises nationales de la construction en terre regrou
pant 300 personnes intéressées par le sujet, événement riche en débats. Aujourd'hui, c'est en tant que co-présidente de l'AsTerre, Association Nationale des professionnel.le.s de la terre, que je m'investie dans le développement de la filière terre. 


Je pratique dorénavant plusieurs activités regroupées autour de la terre que sont l’architecture, l’artisanat, et la transmission de la culture et de l’intangible qui va avec cette matière.

Mettre l’art au service de l’artisanat, l’artisanat au service de l’art, l’art au service de l’architecture, l’architecture au service de la culture, la culture au service de toutes et tous.

TerreAudacieuse, c'est tout cela à la fois.